La rencontre avec le chamanisme a été déterminante.
Elle a largement contribué au largage des peurs et des doutes. Il a fallu du temps pour accepter, sans tremblement ni fuite, cette compétence à accompagner autrui sur les chemins de l’exploration intérieure et du retour à la « grande santé ».
Du monde associatif à celui de l’aide sociale, j’ai longtemps « fonctionné » comme un missionnaire. « Donnez-moi une mission à remplir et je vous ferai des miracles », voilà la devise qui alimentait mon action dans le champ des souffrances humaines aux modalités infinies… Les miracles n’existent pas ; en tous cas, on ne sauve personne à coup de miracles. Et je découvre enfin la nature réelle de la relation d’aide ; aider c’est accompagner sans se substituer à l’autre, aider c’est soutenir plutôt que porter, aider c’est aussi s’effacer à temps.
Maurice-Eric Hefti, le chamane de Yens-sur-Morges, utilise parfois l’image du toboggan pour illustrer son propos lorsqu’il évoque sa démarche. Ce toboggan résonne en moi de telle façon que j’en perçois immédiatement la nature de ses effets. Le toboggan, c’est le chemin le plus fluide et probablement le plus simple pour conduire sa vie dans l’encombrement des destins.
Pour oser renaître à la grande vie, loin des blocages qui tuent la joie, il faut parfois de sérieux coups de pouce, un cœur grand comme l'océan, une âme qui accueille tout sans jamais juger et que rien ne désespère. Comment dire ce que Pierre Constantin m'apprend chaque jour ? D'abord, sa douceur, sa tonique sagesse, sa bonté contagieuse incitent à quitter cette mentalité d'expert-comptable qui spécule toujours au sujet du bonheur sans le ressentir pour de bon pour une existence plus généreuse. Aux côtés de cet être infiniment libre, je sens que la vie gagne du terrain, et, que, sous son regard espiègle et plein d’amour les traumatismes, les manques cessent d’avoir le dernier mot.
Au fond, ce passeur nous révèle l’immense joie de marcher sans béquilles. Il nous aide à rentrer d'exil quand, face à la souffrance nous risquons d’errer loin de la vie, loin du ressenti, prisonnier d’un mental qui nous maltraite en longueur de journée. Ce compagnon sur le chemin des âmes ne promet rien sinon la rencontre libératrice avec le trésor qui habite en nous et m’aide sans relâche à expérimenter que nous ne sommes jamais perdus face aux dragons qui nous tyrannisent. Il est de ces êtres qui nous réconcilient avec la vie et qui s'apparentent à des auberges où l'on se délaisse du trop, de la fatigue, de l'usure, des découragements, où l'on reprend des forces et d'où l'on ressort assurément grandis, allégés et en paix.
Pas de miracles, nul mode d’emploi, aucun anesthésiant au menu, juste une joie grandissante, celle de devenir plus vrai, moins mécanique et de trouver au fond du fond les ressources et cette générosité qui accueille ce que le quotidien présente sans tout transformer en psychodrame. Entrer dans cette auberge, se mettre joyeusement à la table du partage c'est quitter l'attirail encombrant du passé pour faire route le cœur léger, disponible.
Je suis infiniment reconnaissant à l'homme-auberge, au passeur qui, des heures durant, m'a patiemment et avec une douceur infinie montré que la peur, la tristesse, le ressentiment n'étaient que des mensonges, des dragons inoffensifs qui m'empêchaient de vivre heureux. L’énorme confiance en la vie de Pierre m’aide jour après jour à oser le grand saut, à glisser dans le toboggan et à goûter à la grande santé, celle qui nous invite à notre tour à devenir une auberge sans cadenas ni verrous.
Alexandre Jollien
« Le toboggan », c’est le nom que j’ai donné à ma méthode d’accompagnement des personnes sur leur chemin de vie. Les ressources de cette méthode sont issues de différentes traditions ou écoles – très anciennes ou plus contemporaines. Le toboggan désigne ici ma façon de pratiquer ce que d’autres ont écrit, composé ou interprété avant moi. Le toboggan c’est ma proposition pour vous délester des bagages funestes et vous inviter à plus de légèreté. Le toboggan est une voie de l’expérience, du ressenti et de l’action. La santé ne se pense pas, elle se vit ; le toboggan propose un cheminement vers la santé. Le toboggan nous invite à revisiter le passé pour révéler les ressources du présent et ancrer le progrès dans le quotidien.
Déposer ou le pas de la délivrance
Le premier pilier du toboggan s’accomplit dans l’art de la déposition. Lorsque quiconque décide (ou se résout) à consulter, le déclencheur est quasi toujours le fait de ressentir une charge qui pèse, ralentit, entrave, écrase, paralyse, enfin quelque chose qu’il s’agit de déposer, ne fût-ce qu’un instant. Dans la déposition, nous partons d’un symptôme accablant et visible et tirons sur les fils qui nous ramènent vers des traumatismes émotionnels souvent bien tapis dans les recoins obscurs du mental. Cette exploration analytique permet de dévoiler nos dragons. Ces figures monstrueuses qui nous tourmentent tant sont pourtant le produit de nos propres créations. Il ne s’agit pas ici de les affronter mais de les identifier. Les identifier en effet, constitue très souvent une révélation intérieure inattendue.
Accueillir ou le pas de la spontanéité (ou de l’audace)
Le deuxième pilier du toboggan consiste à oser un regard sans peur, à goûter une expérience sans s’en prémunir, sans la cataloguer. Nous voyons les blessures sans les panser, ni les penser en tant que pathologie. Il s’agit ici de sortir de sa prison intérieure dont les geôliers se nomment préjugés, principes, règles morales, habitudes; ces murs nous installent dans un ennui douloureux et douillet. Trouvons l’audace de faire tranquillement les pas qui nous rapprochent de l’apaisement. Le toboggan est un chemin concret dans le ressenti ; recontactons notre véritable nature dans sa spontanéité. L’accueil bienveillant de la souffrance permet de rejoindre la singularité de la personne. C’est un chemin qui s’invente avec elle et en elle. Lorsque nos dragons sont identifiés, il ne s’agit pas de les combattre donc, mais bien de les accueillir. En effet, quelle folie que de se battre contre nous-mêmes sauf à vouloir périr plus vite ! Et c’est rarement ce désir-là qui anime celui ou celle qui requiert une aide. Ici le toboggan donne tout son sens : la recherche de la maîtrise est bannie, le ressenti prend la main ; le cerveau est au service de la seule narration du voyage entrepris dans la mémoire émotionnelle ; le mental n’est pas convoqué dans sa posture bricolée d’explications, de justifications, de jugements ou de règles morales. Pas d’imposture possible dans le toboggan : les bagages se perdent et ne nous manquent pas. Dans le toboggan nous sommes sans honte et nus. Plus nous sommes relâchés et plus le voyage est léger et les étapes accueillantes. Sans aucune magie ni vagabondage erratique, nous nous révélons à nous-mêmes.
Vivre ou le pas de la persévérance
Le troisième pilier du toboggan nous invite à poser des actes. Dans le toboggan se désenflent et périssent les psychodrames. La vie est tragique ? Soit ! Alors, vive la vie tragique et joyeuse ! La santé réside dans sa propre poussée et non pas dans la lutte pour la préservation des acquis; les barricades finissent toujours par céder ; la nature s’immisce au-delà de toutes les résistances et n’a que faire de nos constructions mentales. Le toboggan nous propose les chemins de vie les plus fluides possibles. Quittons nos mécanismes de résistance : pas de regrets, pas de projection, et pas plus de culpabilité. Juste une pleine présence à soi et au monde, ici et maintenant. Introduisons une dynamique de vie nouvelle dans la simplicité ; préférons l’élan à la réaction qui nous fait trébucher. Avec le toboggan, chacun règle son pas selon sa mesure, son rythme et son désir. La générosité indique le sens. Nos actes seront donc les témoins de notre conversion. Le toboggan nous aide à nous extraire de la peur et du narcissisme. Il nous propose d’abandonner ces douloureux réflexes qui nous tiraillent de tous cotés, faussent nos relations et nous pourrissent la vie. Découvrons la dynamique du don alors que le calcul structure nos vies défensives. La vie persévérante n’est pas une vie disciplinaire ; son moteur ne se nourrit pas de règles mais de désirs désintéressés. Poser des actes, c’est vivre ! Avec du sens et sans regrets ni attentes. A la fin, quand tout est toboggan il n’y a plus de toboggan, juste la vie.